Maître MARIE LAURE BOST

Bordeaux

Divorce et SCI: un mariage tumultueux

Divorce et SCI: un mariage tumultueux

Divorce et SCI : un mariage tumultueux

Créer une société civile immobilière pour gérer au mieux son patrimoine familial et anticiper sur sa transmission à ses enfants est une opération juridique courante. La SCI est plus souple dans sa gestion qu’une indivision familiale dépourvue de représentant légal, le ou les géants désignés disposant de pouvoirs étendus pour administrer le patrimoine. Tant que le ciel est bleu et que les oiseaux chantent, des époux peuvent décider de détenir ainsi le logement familial, la résidence secondaire ou un immeuble locatif dans un souci d’optimisation fiscale, les parts sociales étant moins valorisées que les droits correspondants sur les immeubles en raison de la déduction des intérêts d’emprunt et des frais de réparation ou de modernisation, et avec pour projet d’associer leurs enfants en effectuant des donations de parts à leur profit, ces donations pouvant être échelonnées dans le temps et bénéficier de dispositions fiscales favorables.

La situation se corse quand il est question de divorce contentieux et de séparation de domiciles. Le juge aux affaires familiales a le pouvoir de trancher les questions relatives à l’organisation d’une telle séparation lors la première audience dite de conciliation qui se déroule en début de procédure, les mesures décidées ayant vocation à s’appliquer durant toute la durée du divorce. Le juge peut ainsi attribuer la jouissance du domicile familial ou d’une résidence secondaire à l’un des époux et contraindre l’autre à le quitter manu militari. Il peut aussi dire que la jouissance du domicile familial quand il s’agit d’un bien commun ou indivis des époux sera à titre gratuit en exécution du devoir de secours ou à titre onéreux, c’est-à-dire que l’attributaire de la jouissance de l’immeuble devra à la communauté ou à l’indivision une indemnité d’occupation équivalente à un loyer minorée de 20% selon l’usage, compte tenu de la précarité de cette occupation.

Le juge de l’ONC peut aussi statuer sur la prise en charge provisoire du passif commun ou indivis par les époux, à charge de récompense au moment de la liquidation du régime matrimonial.

Ces dispositions sont applicables dès le prononcé de la décision en vertu du caractère exécutoire attaché à l’ordonnance de non conciliation et pourront trouver à s’appliquer pendant des années en cas d’appel et même de pourvoi en cassation, suspensif en matière de divorce.

Ces mécanismes ne fonctionnent pas si les immeubles sont détenus par une SCI même si les deux époux en sont les seuls associés. Le patrimoine concerné n’est plus leur propriété même celle d’une personne morale qui est venue s’interposer entre eux et leurs biens.

En l’absence de convention d’occupation liant les époux et leur SCI, et selon certains auteurs, le juge ne pourrait même pas attribuer la jouissance du domicile familial ainsi détenu à l’un des deux dès lors qu’il n’est pas leur propriété. Ce qui est certain, c’est qu’il ne peut pas statuer sur le caractère gratuit ou onéreux de cette occupation, et qu’il ne peut absolument pas se prononcer sur la jouissance d’autres biens que le domicile conjugal, telle la résidence secondaire.

Le juge ne peut pas plus statuer sur la prise en charge du passif de la SCI par l’un des époux puisqu’il ne s’agit pas à proprement parler d’un passif commun ou indivis des époux.

Les sommes versées par les époux pour régler les dépenses courantes liées à l’occupation de l’immeuble sont qualifiées d’avances en compte courant d’associés et ne bénéficient pas de la déductibilité fiscale attachée aux pensions alimentaires, même quand un seul des époux y contribue. 

Le fonctionnement de la SCI pendant l’instance en divorce n’est pas plus facilité notamment dans l’hypothèse fréquente où les époux sont associés égalitaires, leur mésentente pouvant aboutir à une parfaite situation de blocage. Il faut alors en appeler au droit des sociétés et éventuellement saisir le juge des référés d’une demande de désignation d’un administrateur provisoire aux fins de gérer la société dans la neutralité et en fonction de l’intérêt de cette dernière et non de celui de l’un ou l’autre des époux.

Si le conflit des époux divorçants aboutit à une situation de blocage total de la SCI, une telle paralysie peut déboucher sur une instance en dissolution de la société, les Juges pour y faire droit devant être convaincus de la persistance d’un conflit grave et profond. C’est ainsi que dans une instance ayant donné lieu à un arrêt du 16 mars 2011, la Cour de Cassation a refusé de prononcer la dissolution d’une SCI constituée par deux époux alors que des retards de déclaration et de paiement de factures s’accumulaient, au motif que les loyers de l’immeuble étaient toujours perçus et permettaient de rembourser les mensualités de l’emprunt souscrit lors de son acquisition.

Bonne nouvelle : même en l’absence de clause statutaire prévoyant cette possibilité, la jurisprudence semble valider l’attribution préférentielle des parts de SCI à l’un des associés ou encore l’attribution de ces mêmes parts ou du compte courant d’associé à titre de prestation compensatoire, ce dernier cas de figure ayant pour mérite de régler au moment du prononcé du divorce la question de la consistance de ce compte courant, calcul pas toujours aisé et susceptible de fermes contestations au moment de la liquidation du régime matrimonial.

La procédure de divorce enfin terminée, restent à régler la question de l’attribution des parts de la SCI et celle du règlement des dettes et créances des ex-époux qui continuent à en être associés.

Il peut alors être nécessaire de recourir à une expertise pour effectuer les comptes entre les associés d’une SCI qui se poursuivra jusqu’au retrait éventuel d’un des deux ou la dissolution de la société.

Insérer dans les statuts une clause aux termes de laquelle la SCI a pour objet, pendant la durée du mariage, d’acquérir et de gérer le patrimoine immobilier des époux facilitera l’ouverture de cette porte de sortie, le divorce devenant alors une cause d’extinction de son objet social, permettant d’envisager, enfin, sa dissolution.

 

Fichier joint : divorce-et-sci.docx

Publié le 28/04/2017

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