Maître MARIE LAURE BOST

Bordeaux

Le divorce sans juge: un accueil favorable et une vigilance accrue

Le divorce sans juge: un accueil favorable et une vigilance accrue

L’Ordre des Avocats du Barreau de Bordeaux et la Chambre des Notaires de la Gironde ont organisé avec succès le 21 septembre dernier un colloque sur le divorce. Les différents intervenants –universitaires, avocats, notaires, magistrats – ont partagé leurs analyses et posé les bases d’une optimisation des pratiques professionnelles respectives. Un atelier était consacré au nouveau divorce par consentement mutuel applicable depuis le 1er janvier 2017 et qui se passe désormais de toute intervention judiciaire à la condition que les enfants du couple ne sollicitent pas leur audition en justice. Oui, depuis la Loi du 18 novembre 2016 dite J21, ce sont les enfants qui, implicitement, autorisent leurs parents à recourir au divorce sans juge !  

Présentée aux justiciables comme une façon simple, rapide et peu coûteuse de divorcer, cette nouvelle forme de divorce contient des écueils. La Loi qui l’a créée laisse subsister de nombreux points d’interrogation qui mériteraient d’être résolus par de nouvelles dispositions légales.

La convention de divorce qui est un acte sous contreseing d’avocats est un contrat sui-generis susceptible d’être contesté, critiqué, annulé et n’a pas la même force qu’un jugement prononçant définitivement le divorce et homologuant les accords intervenus entre les époux.

Dans un divorce par consentement mutuel judiciaire, le prononcé du divorce était  définitivement acquis. Cette question n’est pas réglée par les textes qui régissent le nouveau divorce, de sorte qu’il est permis de s’interroger sur la remise en cause du principe même du divorce en cas de discussion postérieure sur la validité de la convention. Comme l’avait suggéré le très regretté Professeur HAUSER lors du colloque organisé par le CERFAPS de l’Université de Bordeaux en janvier 2017, il faudra peut-être attendre un arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme condamnant la France pour atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale prévu à l’Article 8 du la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Chaque époux est désormais assisté de son avocat et les deux avocats travaillent ensemble à l’élaboration de la convention de divorce qui doit respecter le formalisme imposé par la Loi et le Décret du 28 décembre 2016.

La liberté contractuelle des époux est très encadrée et ceux-ci ne peuvent prévoir aucune mention qui serait contraire à l’ordre public familial, par exemple s’agissant de leurs enfants. Ainsi, et sauf à ce qu’une telle limite soit justifiée, une convention qui ferait fi du maintien des liens entre les enfants mineurs et un de leurs parents risquerait un refus de dépôt de la part du notaire en charge de la conserver et de délivrer l’attestation permettant la transcription du divorce sur les registres de l’état civil.

L’article 229-3 se réfère à tous les points qui doivent être traités dans la convention de divorce à peine de nullité. Point primordial, cette convention doit comporter la liquidation du régime matrimonial des époux ou préciser qu’il n’y a pas lieu à cette liquidation. Ainsi, des époux mariés sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts depuis un certain nombre d’années, exerçant au moins pour l’un une activité professionnelle, titulaires de comptes bancaires, précédemment propriétaires de la résidence qu’ils ont vendue, le produit de la vente ayant été déposé sur des comptes séparés… ont un patrimoine commun qu’ils doivent liquider dans le cadre de ce nouveau divorce. Si les époux ont le souhait -compréhensible- de ne pas régler le droit exorbitant de partage de 2,5% de l’actif net partagé, n’est-il pas préférable de les diriger vers une autre procédure telle que le divorce accepté ? Depuis l’ordonnance du 15 octobre 2015 dite de simplification et de modernisation du droit de la famille, le juge du divorce n’est plus compétent pour ordonner la liquidation du régime matrimonial. Donc, le juge aux affaires familiales divorce, les époux se partagent « amiablement » les comptes bancaires et les cuillères qu’ils ont déjà séparées et tout va bien. Pas d’acte, pas de droit de partage.

Un autre écueil consisterait à vouloir alléger le processus du divorce sans juge et à s’arranger pour que deux avocats travaillant dans un même Cabinet officient aux côtés des deux époux pour rédiger la convention comme un seul homme et partager toutes les informations.

Cette configuration ferait présumer l’existence d’un risque de conflit d’intérêts et d’atteinte au secret des informations communiquées par le client à son avocat et couvrant les correspondances échangées entre le client et l’avocat.

Il faut pouvoir garantir au client le secret total des informations communiquées. Ce qui n’empêche pas le partage des informations collectées nécessaires à la construction des accords et un travail en collaboration entre les deux avocats et le notaire chargé de la rédaction du projet d’acte liquidatif en présence d’immeubles.

Quand les époux et leurs avocats respectifs se sont mis d’accord sur le contenu de la convention, quand le projet d’acte aura été établi par le notaire en présence d’immeubles, quand chaque avocat aura adressé à son client le projet de convention et les annexes pour faire courir le délai de réflexion de quinze jours, quand l’avocat aura vérifié que c’est bien la signature de son client qui figure sur l’avis de réception (graphologues les avocats ?), il restera alors à signer la convention qui ne devra porter aucune modification par rapport au projet notifié, sauf à faire courir un nouveau délai de réflexion.

L’article 1145 du Code de Procédure Civile prévoit que la convention de divorce est signée par les époux et leurs avocats ensemble…

Signer ensemble la convention, est-ce obligatoirement signer à quatre dans le même lieu et au même moment ?

Le Décret du 28 décembre 2016 ne dit rien d’autre. La circulaire du 26 janvier 2017 répond par l’affirmative mais ce n’est qu’une circulaire…Dans certaines situations, il serait tentant de s’affranchir de cette rencontre en échangeant les conventions scannées par mail etc… prétextant l’éloignement, la perte de temps inutile, des motifs parfaitement recevables.

Mais, le seul moyen d’effectuer un contrôle quant à l’existence et à la réalité du consentement de son client mais aussi de l’autre époux, n’est-il pas de rencontrer ce dernier en personne ?

Donc, non seulement les époux et leurs avocats signent ensemble en même temps et dans le même lieu la convention en ce compris les annexes, mais ils la lisent ensemble et prennent le temps de faire acquiescer les deux époux à tous les points traités dans la convention de divorce.

C’est donc un processus lourd et générateur d’engagement de responsabilité professionnelle, mais construire son divorce, en gérer la totalité des conséquences, ne plus dépendre du temps judiciaire,  maitriser les risques, concéder pour pouvoir continuer à se regarder et à se respecter, particulièrement quand des enfants communs sont là, sauver le couple parental, voilà des objectifs majeurs et motivants à atteindre pour des professionnels compétents et formés.

 

Publié le 01/10/2018

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